SAïN Artiste Peintre Contemporaine

Acryliques et techniques mixtes

Galerie d’oeuvres d’art en ligne

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Le parcours atypique et marginal de Saïn, artiste à fleur de peau.

C’était au début de l’année de mes huit ans lorsqu’elle est née, ma sœur Saïn. Elle a toujours blagué en disant que quelques mois après se produirait Mai ’68. Mais ne serait-ce pas que l’air de ce temps-là devait la marquer à jamais de ce refus d’un monde d’injustices ?

Elle a grandi au milieu des accents mêlés de la guitare classique/espagnole (avec incursions dans le répertoire de Brel, Brassens et de Ferré, pour ne citer qu’eux) du père ,Philippe Franck Rosselli, compositeur, interprète, écrivain de nouvelles et dramaturge, et de ceux du Jazz, genre de prédilection de la maman, Josiane Selliez, de la musique de Pink Floyd, Emerson Lake and Palmer, Led Zepplin et autres de l’époque ainsi que de la batterie du frère depuis le sous-sol. Elle grandit dans un milieu artistique et participe, en famille, aux pièces de théâtre de son père et aux fréquents cabarets organisés dans la demeure familiale. Des études secondaires, incluant déjà, une quantité d’options artistiques et menées avec grand fruit à l’Institut Saint-Etienne ainsi qu’un graduat avec distinction en Arts Plastiques (gravure et peinture) à l’école supérieure des arts et de l’image « le 75 » à Woluwe St. Lambert en 1991 devaient ouvrir son chemin.

L’étape du Magasin Karma à Lasne sur le thème « Créations d’ici et d’ailleurs », où elle expose ses gravures ainsi que le travail d’autres amis, est suivie de deux ans de vie en roulotte au quartier alternatif communautaire de la Baraque à Louvain-La-Neuve puis de l’aménagement d’une camionnette qui l’emmène dans diverses communautés « fuera de la ley »  des Pyrénées espagnoles où elle connaîtra, durant près de deux ans, une vie nomade, libre, insouciante du futur, et surtout loin de la société « moderne » et de ses normes afin de tenter de trouver sa place dans ce monde. Elle y rencontrera le sculpteur catalan Picou Olivas et bien d’autres artistes et artisans. Là, elle se consacrera à l’élevage et aux potagers en permaculture, à l’élaboration du fromage de chèvre, du pain et d’autres produits finis ainsi qu’à la mécanique et à la construction. Elle apprend ainsi la valeur des choses réellement essentielles et une vie « sobre » comportant un minimum de confort. Suivront d’autres aventures montagnardes, telles que l’organisation de festivals ruraux et d’expositions alternatives.

Mais le brusque décès de notre père rappelle Saïn à sa terre natale. Elle se partage ensuite entre l’Espagne et la Belgique afin de pouvoir soutenir sa mère et crée à cette époque une série d’œuvres avant-gardistes combinant l’aquarelle et l’encre de chine. La vie quasi moyenâgeuse à la montagne ne lui laissant que peu de temps pour exercer ses talents artistiques, sa camionnette l’emporte alors à Cadaqués, le village catalan du célèbre peintre Salvador Dalí, où elle est accueillie dans un vaste cercle où elle y devient proche du peintre « Didac » (Diego García Ridau). Pratiquant alors principalement une forme d’aquarelle personnelle, elle expose et vend ses œuvres dans différents locaux, notamment dans les boutiques, bars et restaurants où elle travaille comme vendeuse ou serveuse. Et ainsi, durant environ huit ans et au sein d’une ample communauté s’étendant de la Belgique à l’Espagne en passant par la France, elle participe activement à de nombreuses activités underground et exerce ses compétences multiples tout en vendant ou donnant une grande partie de sa production. Elle évoquera cette période comme étant « la Belle Époque », qui était aussi le nom du premier bar où elle a travaillé en compagnie de son grand ami Martín aujourd’hui décédé.

En décembre 2003, elle organise en collaboration avec Chloé Coomans (aujourd’hui reconnue) une exposition à l’Espace Culturel de la Pommerage (La Hulpe).

Pendant cette période, elle oscille entre l’Espagne et la Belgique et réalise 90 pierres peintes aux Posca (marqueurs acrylique). Elle termine une formation de webdesigner avec grande distinction, obtient un prix de la Région Wallonne et tente de se lancer dans la création de sites, mais les techniques évoluent vite et sa spécialisation (FullfFlash et sites hybrides) se voit dépassée avec l’apparition des smartphones et des tablettes. Elle tente encore une reconversion en secrétaire-comptable, mais elle est à l’âge critique pour trouver un emploi sans avoir d’expériences solides à faire valoir. Durant cette période, elle se consacre également à la mise en page du périodique des Ateliers Poétiques du Roman Pays ainsi que de plusieurs recueils de membres, dont elle illustre l’un d’entre eux, celui de Geneviève Nyst, lphab-est, avec laquelle elle avait un projet commun (les deux elles), avorté par le décès prématuré de celle-ci qui lui léguera toute son œuvre.

En 2015, un changement de loi la prive de son droit aux allocations et des examens médicaux lui révèlent qu’elle est atteinte de deux maladies incurables. Sentant le rejet que son état de santé provoque dans son entourage, elle perd pied et bon nombre de ses amis. En 2019, après avoir encore envoyé d’autres CV, sans grand succès, elle décide finalement de s’éloigner des écrans d’ordinateur et de se consacrer exclusivement aux arts plastiques. Elle effectue divers stages et découvre la technique du pouring (acrylique liquide).

L’art lui permet d’affronter à la fois ses maux et ses démons et elle produit plus de 130 toiles en un an (dont des triptyques, des diptyques et un polyptyque). Elle en vend quelques-uns à des amis et connaissances dans les conditions de la crise du covid-19. Elle pratique aujourd’hui une technique d’acrylique sur toile (acrylic pouring) et/ou mélangée de techniques mixtes (peinture à la bombe, Posca, collage, cachets, projection de peinture, couteaux, etc.). Récemment, une exposition d’une vingtaine d’œuvres dans les vitrines de Myr’art a lieu au centre commercial : « Les Papeteries de Genval » (rue de Rixensart 30 1332 Genval).

Écorchée par la vie, nombre de ses amis les plus fidèles ayant déjà été emportés hors de ce monde, elle se sent isolée, appuyée cependant par sa mère qui assume aussi le rôle de mécène. Hypersensible, comme la majorité des artistes, idéaliste et réfractaire au capitalisme, Saïn ne se sent pas à sa place dans cette société et son « jeu » de la concurrence. Son rêve, sans doute utopique, est celui de chaque être humain conscient : le bonheur ou, du moins, une vie décente pour l’ensemble de l’humanité. Sa recherche artistique actuelle est surtout chromatique et toute en émotion. Ses dessins, aux messages parfois plus explicites, ainsi que son mode d’expression plus abstrait et actuel, établissent une communication subtile qui permet à chacun de ressentir le contenu de ses créations et d’en percevoir l’écho en soi, agissant tel un miroir face auquel chacun peut se reconnaitre, renaître et se reconstruire. L’art comme acte créateur, comme accompagnement de soi-même, est bien une porte pour Saïn, une porte s’ouvrant enfin sur l’opportunité d’être, d’exprimer ce qu’elle est au-delà des jugements extérieurs et d’entamer sur elle-même un travail de longue haleine et toujours en cours.

 » Il s’agit d’un processus d’accouchement de soi, de transformation, de métamorphose, s’opérant dans le cocon et le support, qui quel qu’il soit, reste la chrysalide du papillon qui s’envole pour trouver sa liberté. « 

Olivier Rosselli, juillet 2021


Saïn 2020